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Mot de Béatrice Agenin

Béatrice Muriel Agenin 

( actrice française, née le 30 juillet 1950 à Paris. Deuxième prix du Conservatoire national supérieur d'art dramatique en 1974, elle est engagée à la Comédie-Française la même année, y a été nommée sociétaire en 1979 et a choisi de quitter la Troupe en 1984. Elle a été au théâtre la partenaire de Jean-Paul Belmondo dans plusieurs pièces dont le rôle de Roxane dans Cyrano de Bergerac, Kean, la dame de chez Maxime.

Elle a été metteur en scène de ses propres productions théâtrales. Elle a interprété de nombreux rôles à la télévision, dont le personnage de Reine dans la série Une famille formidable aux côté d'Anny Duperey et Bernard Le Coq. C'est également une comédienne de doublage reconnue, notamment pour avoir prêté sa voix à Sharon Stone, Emma Thompson, Rebecca De Mornay ou Melanie Griffith.)

 

 

 

 

Il est impossible de présenter l’œuvre de Cécile Guicheteau sans parler de ses personnages.

 

Leurs mains sont larges, leur regard cerné de veilles trop longues, leur peau très pâle. Leur tête est droite ou inclinée, leurs yeux sont fermés ou au contraire grand ouverts sur un ailleurs rempli de mystère. Des personnages grandis trop vite, presque étonnés, entourés de motifs comme on en trouve dans la peinture de Klimt. Cécile ne cache pas sa fascination pour ce peintre à qui elle rend hommage à sa façon. Hommage aussi à Baudelaire dont les poêmes ont inspiré son travail. Lire le poète, se laisser porter par ses mots, faire que le geste témoigne des images qui viennent du plus profond de soi.

 

Voilà ce qu’a choisi Cécile sur dix toiles. Dix toiles où l’amour danse avec la mort. Quelquefois la tête lasse se plie sous le poids du poème. C’est «  L’Amour et le crâne ». Un jeune homme, à genoux, soutient de toute sa hauteur le poème sur ses épaules, mais peut-être les mots, écrits sur une large feuille, sont-ils trop lourds pour lui :  « Ce jeu féroce et ridicule quand doit-il finir ?  C’est ma cervelle, c’est mon sang et ma chair ! » Pas de révolte cependant. Ils sont très doux, les personnages que peint Cécile. Délicats. Et généreux.  Ainsi «  Le Guignon » évoque un sombre jeune homme au regard fixe, qui offre son cœur plus grand que lui. «  L’Art est long et le temps est court » chuchote le poète contre son cou immense. Solitude. Solitude encore avec  « Le Mort joyeux », dont les doigts noueux invitent à lire Baudelaire en bas du tableau, dans son beau costume rouge que les vers décorent ou dévorent. Tous attendent quelque chose.

 

L’amour peut-être se cache dans la chambre des amants. Dans le grand tableau qui représente « Une martyre » l’homme et la femme s’épient, se cherchent, jouent à cache-cache derrière le rouge –sang constellé de signes « dont la toile s’abreuve avec l’avidité d’un pré ».

Les mots respirent autrement et voyagent au-delà du temps avec une sensibilité neuve.

 

Chaque tableau a une histoire. J’aime celle des  «  Remords posthumes »,  où l’on voit «  La belle ténébreuse » assoupie sous le regard de la mort portant la même robe qu’elle. Qu’est-ce qui les différencie, alors ?  Le temps, bien sûr. L’amant a passé un bras au-dessus de sa maîtresse mais on ne sait pas s’il la protège, tant son bras est décharné. Son regard vers la mort n’est pas apeuré, à peine semble t-il confondu, s’excusant peut-être d’être là. Autour de son bassin, s’enroule le poème écrit d ‘une main d’écolière sur le tissu qui le couvre. C’est que le monde de l’enfance n’est pas loin, ludique, joyeux, même si le désir sexuel  éclate dans certaines toiles. Femmes aux seins lourds, aux poses lascives, aux cheveux abondants. Promesse d’étreintes. L’émotion surprend quand on regarde les mains ouvertes, les peaux blanches comme la neige. La sensualité au bout des doigts, la transparence des  corps. C’est l’originalité de cette série consacrée à Baudelaire. Des personnages suspendus, retenus par le fil des mots qu’ils incarnent. Comme dans les contes, ils attendent le baiser de la vie. 

 

Cécile est timide, frêle comme ses personnages. Jeune comme eux. Tant d’énergie,

et de courage à choisir ces poésies si peu lues de nos jours la distinguent comme une artiste à part. L’ensemble des toiles est terriblement vivant, Et réussi, C’est qu’elle a travaillé avec les textes les plus beaux du monde. Et qu’elle les a laissé parler. C’est qu’elle aime profondément Baudelaire. Je ne suis pas peintre mais je crois ce qu’a dit Van Gogh : « Il n’y a rien de plus réellement artistique que d’aimer les gens. » Béatrice Agenin

 



03/12/2013
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